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Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/531

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Salle I

Les quatre paysages grecs que M. René Ménard réserve à une salle de la Sorbonne donnent déjà le ton de la sagesse un peu triste qu’y devra soutenir le professeur chargé de parler devant eux, en sourdine, au risque d’en faire éclater les toiles de dépit devant une éloquence moins discrète. Les chênes attiques sont pris, dit-on, à Fontainebleau et les chevaux parnassiens à Phidias. Chacun prend son bien où il le trouve. D’Ingres, à qui on demandait quels avaient été ses modèles de coursiers dans son superbe Apothéose de Napoléon, on a cette réponse :

— Phidias et les chevaux d’omnibus !

Salle II

Combien de fois avons-nous vu la Muse de M. Agache, toujours infatigablement la même, en sa tenue tragique et sa robe de deuil ? Elle n’en prouve que mieux l’immortalité à laquelle son peintre la destine, et les Couronnes qu’elle tresse aujourd’hui pour lui ne sont qu’un échange de bons procédés. De muse facile à poète commode, on se doit bien cela. Pourvu que l’avenir n’y contredise !

Salle III

On voudrait, ici, étudier sérieusement la plaisanterie de M. Dinet, cette intimité de Femmes arabes dont les corps voluptueux semblent peints avec l’ambre de leurs colliers et le soleil de leurs harems. C’est une rêverie d’art exquis qui ne nous est point permise, à côté du Samedi Saint de M. Burnand où nous nous trouvons en présence de l’œuvre peut-être la mieux peinte, à coup sûr la plus idéalement pensée de ce Salon. Et pourtant, ce n’est ni la recherche de ces onze types tout à fait populaires d’apôtres, ni les apprêts de la salle sans fond et de la table quelconque d’auberge où se groupent et pensent ces conquérants vulgaires du monde de demain ; mais c’est la composition aussi dramatique que naturelle qui fait, de tout tableau émouvant, une œuvre devant laquelle on s’arrête et, de celui-ci en particulier, un ouvrage digne du maître artiste, réaliste et religieux à la fois, à qui nous devons déjà de si belles compositions en ce genre. Tant il est vrai que le genre réaliste ou idéal ne compte pas et que c’est la manière d’interpréter ce réalisme ou cet idéal qui importe. Si l’art des