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ANNUAIRE
DE
L’INSTITUT-CANADIEN
pour 1868.

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Jeudi, le 17 décembre, le bel amphithéâtre de l’Institut-Canadien présentait un spectacle bien propre à ranimer le courage des amis de la liberté et du progrès intellectuels. Tous les sièges de cette vaste salle étaient occupés par l’élite de la société canadienne, et bon nombre de personnes n’avaient pu y trouver place. Cet empressement semble un protêt éloquent contre les persécutions injustes et maladroites après tout, d’hommes animés par un zèle plus chaud qu’éclairé contre cette institution si malhonnêtement calomniée.

À huit heures précises, C. F. Papineau Ecr., Président de l’institut, accompagné des principaux officiers, prit place à la tribune et adressa à l’assemblée la courte allocution suivante qui fut souvent interrompue par les marques empressées d’approbation de l’auditoire :


Mesdames et Messieurs,

La fête intellectuelle que nous célébrons avec un nouveau plaisir et avec un juste orgueil, chaque année, a fourni jusqu’à présent à ceux qui m’ont précédé l’occasion de placer devant le public l’histoire de la fondation de l’Institut-Canadien, l’objet qu’avaient en vue les hommes zélés et jeunes alors pour la plupart qui en posèrent les bases et le récit des obstacles nombreux qu’ils eurent à surmonter. Grâce à leur persévérance, à la force, à la sincérité de leurs convictions ; grâce à l’aide qu’ils reçurent de ceux qui en firent successivement partie depuis, notre institution occupe enfin parmi les sociétés littéraires de notre pays un rang distingué, enviable, et rend certainement déjà d’importants services aux personnes, dont le nombre s’accroît graduellement, qui fréquentent sa bibliothèque et ses salles de lecture. Mais, Messieurs, l’Institut-Canadien, ainsi du reste que toutes les institutions du même genre, après ses jours d’enthousiasme, a eu ses jours critiques. Il a dû consacrer à défendre, à assurer sa propre existence une somme d’énergie, de travail et de sacrifices qui, employés en études débarrassées de ces entraves, eussent produit des fruits plus réels et plus visibles. Mais après tout, Messieurs, ces efforts ne sont pas perdus, et nous ne saurions les regretter, car la jeunesse qui nous succédera ne peut manquer de les apprécier et d’en recueillir plus ou moins directement les fruits.

Toute parcelle, quelque légère qu’elle puisse paraître d’abord, ajoutée à l’œuvre immense des connaissances humaines, à leur propagation, au droit de rechercher la vérité, le bien et le beau, ne saurait être indifférente, et ceux qui viendront après nous reconnaîtront les travaux que nous avons faits, sinon pour le brillant de leurs résultats réels, du moins pour la portion de la route ardue que nous leur aurons déblayée. Notre lutte n’a rien de nouveau, rien d’étrange, rien de désespérant. C’est celle qui s’est faite sans doute partout depuis que l’homme pense, depuis qu’il veut communiquer à son prochain le fruit de ses recherches.

L’Institut subissant hélas, en cela, je regrette de le dire, le sort attaché à toute institution de ce genre, a, vous le savez, langui pendant quelque temps sous le poids de difficultés pécuniaires. Mais un appel a été fait aux amis dévoués et généreux du progrès intellectuel. Ceux qui croient que le savoir n’a pas d’autre nationalité que celle du genre humain sont venus à notre aide et, grâce à eux, l’Institut Canadien voit poindre le jour où, débarrassé d’une dette croissante, ce terrible fardeau qui écrasa les sociétés, les peuples et les individus, il pourra prendre un nouvel essor et appliquer à son dé-