les éclatantes pierres précieuses de la pensée, les filons d’or du langage.
Du coin des poëtes je portai mes pas vagabonds vers cette partie de l’abbaye qui renferme les tombeaux des rois. J’errais dans des lieux où étaient autrefois des chapelles, et que remplissent maintenant les tombes et les monuments des grands. À chaque détour je me heurtais à quelque nom célèbre, ou aux insignes de quelque puissante maison renommée dans l’histoire. Quand l’œil vient à plonger dans ces salles ténébreuses de la mort, il entrevoit de belles statues, les unes à genoux dans des niches, comme en prière ; d’autres étendues sur les tombes, les mains pieusement jointes ; des guerriers sous l’armure, comme s’ils reposaient après la bataille ; des prélats avec des crosses et des mitres, et des gentilshommes avec leurs manteaux et leurs couronnes, comme s’ils étaient exposés sur un lit de parade. Quand on jette la vue sur cette scène si étrangement peuplée, dont cependant tous les personnages sont immobiles et muets, il semble presque que l’on foule un palais de cette fabuleuse cité dont tous les habitants avaient été subitement changés en pierre.
Je m’arrêtai pour contempler une tombe sur laquelle était l’effigie d’un chevalier armé de pied en cap. L’un des bras soutenait un large bouclier ; les mains étaient jointes sur la poitrine et priaient ; la figure était presque entièrement recouverte par le morion ; les jambes étaient l’une sur l’autre, pour indiquer qu’il avait pris part à la guerre sainte. C’était la tombe d’un croisé, de l’un de ces belliqueux enthousiastes qui mêlaient d’une façon si étrange la religion et l’amour, et dont les exploits forment un trait d’union entre la réalité et la fiction, entre l’histoire et le conte de fée. Il y a quelque chose d’extrêmement pittoresque dans les tombes de ces aventuriers, décorées qu’elles sont de grossières armoiries et de sculptures gothiques. Elles s’harmonisent bien avec les vieilles chapelles où généralement on les trouve ; et quand on les considère l’imagination est encline à se laisser enflammer par les souvenirs légendaires, les fictions romanesques, la pompe et l’éclat chevaleresque jetés par la poésie sur ces guerres entreprises pour le tombeau du Christ. Ce sont les reliques de temps bien loin de nous, d’êtres sur lesquels a passé l’oubli, de mœurs et de coutumes qui n’ont aucun rapport avec