Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/196

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chose qui répand un charme infini sur la fête de Noël. En d’autres temps nous tirons une grande part de nos plaisirs des seules beautés de la nature. Notre sensibilité s’élance et se disperse sur le paysage baigné de soleil, et nous « vivons au large et partout ». Le chant des oiseaux, le murmure du ruisseau, les parfums respirés par le printemps, la douceur voluptueuse de l’été, la pompe étincelante de l’automne, la terre avec son manteau d’éclatante verdure, le ciel, d’un bleu si riche et si pur, et ses nuages splendides, tout nous remplit de muettes mais exquises délices : c’est un immense épanouissement de sensation. Mais au cœur de l’hiver, quand la nature gît dépouillée de tous ses charmes, enroulée dans les plis de son linceul de neige, nous allons puiser nos jouissances à des sources morales. L’horrible tristesse et la désolation du paysage, le morne aspect et le peu de durée des jours, l’ombre épaisse des nuits, en circonscrivant nos excursions, refoulent aussi nos sentiments, qu’ils empêchent d’aller courir au loin, et nous disposent à trouver plus de saveur aux plaisirs intimes du foyer. Nos pensées sont plus concentrées, nos cœurs plus ouverts à l’amitié ; nous sentons d’une manière plus profonde les charmes de la société ; nous nous serrons davantage les uns contre les autres, parce que nous comptons les uns sur les autres pour nous réjouir. Le cœur frappe à la porte du cœur, et nous tirons nos plaisirs des puits profonds de la bienveillance tendre, qui sont cachés dans les tranquilles retraites de nos seins, et qui, lorsqu’on les découvre, laissent apparaître le pur élément du bonheur domestique.

La lugubre obscurité du dehors fait que le cœur se dilate lorsqu’on entre dans une pièce remplie de l’éclat et de la chaleur du feu du soir. Cette flamme d’un rouge pâle répand à travers la chambre un été factice et des rayons de soleil factices, éclaire chaque physionomie, et y grave que l’on est le bienvenu. Où donc l’honnête visage de l’hospitalité s’épanouit-il en plus larges et plus sympathiques sourires — où donc la timide œillade de l’amour est-elle plus doucement éloquente — qu’au coin d’un feu d’hiver ? Et pendant que la sourde rafale du vent d’hiver fait irruption dans le vestibule, ébranle une porte éloignée, siffle autour de la fenêtre à espagnolette, et gronde en s’engouffrant dans la cheminée, que peut-il y avoir de plus agréable que ce sen-