Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/198

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que pittoresque, un peu débraillée, qui a doté la poésie de ses plus riches matériaux, et le drame de la plus charmante variété de mœurs et de caractères. Le monde est devenu plus mondain. Il y a plus de dissipation et moins de jouissances. Le plaisir s’est étendu en nappes plus larges, mais plus légères ; il a quitté nombre de ces profonds et tranquilles canaux où il coulait doucement, arrosant le sein paisible de la vie domestique. La société est aujourd’hui plus éclairée, plus élégante ; mais elle a perdu nombre de ses robustes particularités locales, ses sentiments naïfs, ses honnêtes jouissances du coin du feu. Les coutumes traditionnelles du vieux temps au cœur d’or, son hospitalité féodale, ses festins grandioses, ont passé avec les châteaux des barons, avec les superbes manoirs dans lesquels on les célébrait. Ils s’harmonisaient avec la grande salle pleine d’ombre, la longue galerie de chêne et le salon tapissé, mais ils ne conviennent pas aux brillantes et frêles salles de réception, aux gais salons de la villa moderne.

Tout dépouillé qu’il est, cependant, de ses anciens et joyeux honneurs, Noël est encore une période d’animation charmante en Angleterre. Cela vous réjouit de voir complétement éveillé ce sentiment de l’intérieur qui occupe une si large place dans tous les cœurs anglais. Les préparatifs qui se font de tous côtés pour unir encore amis et parents dans un repas sympathique ; les présents de bon avénement qui passent et repassent, ces marques d’attention, ces aiguillonneurs de la bienveillance ; les arbustes à feuilles persistantes distribués autour des maisons et des églises, emblèmes de paix et d’allégresse ; toutes ces choses ont le plus charmant effet ; elles produisent les tendres affections, elles allument de douces sympathies. Il n’est pas jusqu’au son des violons, quelque primitifs que puissent être leurs accords, qui ne se détache, au milieu d’une immobile nuit d’hiver, comme s’il était d’une ravissante harmonie. Quand il m’est arrivé d’être réveillé par eux à l’heure où le silence est solennel, « lorsqu’un profond sommeil s’abat sur l’homme, » j’ai écouté dans un ravissement intense, et, les rapprochant de cette joyeuse et sainte occasion, me suis presque imaginé entendre un chœur céleste annonçant la paix et le bon vouloir au genre humain.

De quelle façon charmante l’imagination, quand elle est tra-