Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/201

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paniers et de boîtes de friandises, et des lièvres pendaient, balançant leurs longues oreilles autour du siège du cocher — présents d’amis éloignés pour la fête qui se préparait. J’avais pour compagnons de voyage, dans l’intérieur, trois gentils écoliers aux joues vermeilles, doués de cette santé brillante et de cette virilité d’humeur que j’ai remarquées dans les enfants de ce pays. Ils retournaient à la maison pour les vacances, transportés de joie, se promettant un monde de jouissances. C’était charmant d’entendre les gigantesques plans de plaisir que faisaient ces petits coquins, et les exploits impossibles qu’ils devaient accomplir pendant leur émancipation de six semaines de l’esclavage abhorré des livres, de la férule et du pédagogue. Ils jouissaient pleinement par avance du bonheur qui les attendait ils allaient revoir la famille, toute la maison, chien et chat y compris, et de la joie qu’allaient causer à leurs petites sœurs les présents dont leurs poches étaient bourrées. Mais l’entrevue qu’ils semblaient désirer avec le plus d’impatience était celle qu’ils auraient avec Bantam, lequel je découvris être un poney, et, d’après leur babil, doué de plus de qualités que n’en posséda jamais coursier depuis les jours de Bucéphale. Comme il trottait ! comme il courait ! et puis quels sauts il faisait ! — Il n’y avait pas, dans tout le pays, de haie qu’il ne pût franchir.

Ils étaient sous la tutelle particulière du conducteur, à qui, toutes les fois que l’occasion s’en présentait, ils adressaient une multitude de questions, et qu’ils déclaraient être l’un des meilleurs enfants qui fussent au monde. Quant à moi, je ne pus m’empêcher de remarquer l’air d’activité, d’importance inaccoutumées de cet homme, qui portait son chapeau tant soit peu sur l’oreille, et avait un gros bouquet de verdure de Noël planté dans la boutonnière de son habit. C’est toujours un personnage d’une remarquable sollicitude et très-occupé ; mais il est spécialement ainsi pendant cette période, ayant tant de commissions à exécuter par suite de la grande réciprocité de présents ! Et peut-être ici ne sera-t-il pas désagréable à ceux de mes lecteurs qui n’ont point voyagé d’avoir une esquisse qui leur donne une idée générale de cette très-nombreuse et très-importante classe de fonctionnaires, lesquels ont un costume, des façons, un langage, un air particuliers à eux-mêmes et en honneur dans toute la con-