Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/226

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sinage de la table d’un riche patron, mais je fus désappointé. Le ministre était un homme petit et maigre, à l’œil austère, avec une perruque grise trop large qui venait battre ses deux oreilles, de sorte que sa tête semblait s’y être racornie, comme une aveline séchée dans sa coque. Il portait un habit râpé, à grandes basques, avec des poches qui auraient pu contenir la Bible de l’église et le livre de prières ; et ses petites jambes semblaient encore plus petites, de ce qu’elles étaient plantées dans de gros souliers décorés de boucles énormes.

Frank Bracebridge m’apprit que le ministre avait été le camarade de chambre de son père à Oxford, et avait reçu ce bénéfice peu de temps après que ce dernier était entré en possession de ses biens. C’était un intrépide chasseur aux vieux bouquins, et bien rarement il lisait un ouvrage imprimé en caractères romains. Les éditions de Caxton et de Wynkin de Worde faisaient ses délices ; et il était infatigable dans sa recherche des vieux auteurs anglais que leur peu de mérite a fait tomber dans l’oubli. Par déférence sans doute pour les idées de M. Bracebridge, il avait fait d’actives investigations dans les rites joyeux et les coutumes entraînantes du vieux temps, et il s’était occupé de ce travail avec autant de zèle que s’il eût été le meilleur compagnon ; mais c’était uniquement dans cet esprit de labeur avec lequel les hommes d’un tempérament aduste remontent une piste d’étude quelconque, simplement préoccupés qu’ils sont de faire acte de savant, et indifférents à sa nature intrinsèque, que ce soit l’illustration de la sagesse ou des obscénités, de la fange du temps passé. Il avait tellement pâli sur ces vieux volumes, qu’ils semblaient s’être réfléchis sur son visage, lequel, si la figure est la table des matières de l’esprit, on pouvait comparer au frontispice d’un volume en lettres gothiques.

Comme nous atteignions le porche de l’église, nous trouvâmes le ministre gourmandant de la bonne façon le sacristain pour avoir employé le gui parmi la verdure dont elle était décorée. C’était, faisait-il observer, une plante impure, souillée, car elle avait servi aux druides dans leurs cérémonies mystérieuses ; et bien qu’on pût sans crime l’employer à parer les salles à manger et les cuisines, cependant elle avait été réputée profane par les Pères de l’Église, et tout à fait impropre aux rites sacrés.