Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/232

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paysan amoureux de son intérieur ; et l’encouragement qui leur était donné par la petite noblesse lui faisait aimer son seigneur. Ils faisaient les temps plus joyeux, plus bienveillants, et meilleurs ; et je dirai avec un de nos vieux poëtes :


« Je les aime, et je tiens que cette gravité
« Qui n’est qu’un trompe-l’œil, la rigueur de ces gens
« Qui cherchent à bannir tous ces jeux innocens,
« Ont fait fuir à grands pas l’antique honnêteté. »


« La nation, reprit-il, s’est altérée ; nous avons perdu nos paysans au cœur naïf. Ils ont rompu avec les hautes classes, et semblent croire que leurs intérêts sont séparés. Ils sont devenus trop savants ; ils commencent à lire les journaux, prêtent l’oreille aux politiques de taverne, et parlent de réforme. Je crois que, par ces temps difficiles, un moyen de les entretenir dans un bon esprit serait, pour la grande et la petite noblesse, de passer plus de temps sur leurs propriétés, de se mêler davantage aux gens de la campagne, et de remettre en vigueur les anciens divertissements de la joyeuse Angleterre. »

Tel était le système du bon Squire pour adoucir le mécontentement public. De fait, il avait une fois essayé de mettre sa théorie en pratique, et, quelques années auparavant, avait tenu table ouverte pendant les fêtes, à la manière d’autrefois. Mais les paysans ne comprirent pas quel rôle ils avaient à jouer dans cette scène d’hospitalité ; plusieurs circonstances imprévues se produisirent ; le manoir fut envahi par tous les vagabonds de la contrée, et plus de mendiants attirés dans le voisinage en une semaine que les officiers de police de la paroisse n’en pouvaient expulser dans une année. Depuis lors il s’était contenté d’inviter ce qu’il y avait de mieux parmi les paysans d’alentour à venir chez lui le jour de Noël, et de faire distribuer du bœuf, du pain et de l’ale parmi les pauvres, pour qu’ils pussent se réjouir en leur particulier.

Il n’y avait pas longtemps que nous étions de retour à la maison, quand un bruit de musique se fit entendre dans le lointain. Une bande de gars, sans habits, leurs manches de chemise capricieusement nouées avec des rubans, leurs chapeaux décorés