Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/239

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tait-il, l’étendard de la vieille hospitalité anglaise, une pièce de résistance, féconde en promesses. Il y avait encore plusieurs mets très-joliment décorés, et qui avaient évidemment quelque chose de traditionnel dans leurs ornements, mais au sujet desquels, n’aimant pas à paraître par trop curieux, je ne fis point de questions.

Je ne pus cependant m’empêcher de me préoccuper d’un pâté magnifiquement décoré de plumes de paon, en imitation de la queue de cet oiseau, qui couvrait une étendue considérable de la table. C’était, le Squire en fit l’aveu non sans quelque hésitation, un pâté de faisan, bien qu’un pâté de paon eût certainement été plus classique ; mais il y avait eu depuis quelque temps une telle mortalité parmi les paons, qu’il n’avait pu prendre sur lui d’en faire tuer un[1].

  1. Le paon était jadis grandement en vogue pour les repas de cérémonie. Parfois on en faisait des pâtés, à une extrémité desquels la tête apparaissait au-dessus de la croûte, avec tout son plumage, le bec richement doré ; à l’autre bout se déployait la queue. Des pâtés de ce genre étaient servis aux banquets solennels de la chevalerie, quand les chevaliers errants se juraient de prendre à tâche quelque périlleuse aventure, d’où est venu l’antique juron employé par le juge Shallow, « par le coq et le pâté ».
    Le paon était aussi un plat d’importance pour le dîner de Noël ; et un passage de Massinger, dans sa « Dame de la Cité », donne une idée de l’extravagance avec laquelle ce plat, aussi bien que plusieurs autres, était apprêté pour les splendides banquets du vieux temps : —
    « On peut parler des fêtes de Noël à la campagne, de leurs œufs aux trente livres de beurre, de leurs pâtés de langues de carpes, de leurs faisans arrosés d’ambre gris, sans oublier les trois carcasses de moutons gras pilées pour en exprimer le jus qui fera la sauce d’un seul paon ! »