Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/26

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plus grossières qui s’appellent les nécessités de chaque jour ; où ils ne peuvent s’attendre à être cultivés avec cette dévotion exclusive pour laquelle il faut du temps et de l’opulence, ni compter sur l’émulation que font naître de hauts patronages, eux à qui ne restent que les moments enlevés aux intérêts matériels par les hommes intelligents et animés de l’amour du bien public.

Il a montré ce que, dans ses heures de loisir, un grand esprit pouvait faire pour un lieu donné ; quelle profonde empreinte il peut laisser sur les objets qui l’entourent. Semblable à son Laurent de Médicis, sur lequel il semble avoir fixé les yeux comme sur un pur modèle que nous a légué le passé, il a entrelacé l’histoire de sa vie à l’histoire de sa ville natale, et a fait des fondements de sa renommée les monuments de ses vertus. Quelque part que vous alliez, à Liverpool, vous apercevez les traces de ses pas dans tout ce qui est élégant et libéral. Il a trouvé les flots de la richesse coulant seulement dans les canaux du négoce ; il en a détourné de petits ruisseaux pour arroser et faire fructifier le champ de la littérature. Par son exemple, par ses constants efforts, il a effectué cette union des poursuites commerciales et intellectuelles qu’il recommande avec tant d’éloquence dans l’un de ses derniers écrits[1] ; et il a prouvé par la pratique qu’une merveilleuse harmonie pouvait régner entre elles, à l’avantage de toutes deux. Les grandes institutions littéraires et scientifiques qui font tant d’honneur à Liverpool, et qui donnent une si puissante impulsion à l’esprit public, ont toutes été chaudement patronnées par Roscoe. Pour la plupart, en outre, c’est à lui qu’on est redevable de l’idée première ; et si nous considérons l’accroissement rapide de l’opulence et de la grandeur de cette ville, qui promet de rivaliser en importance commerciale avec la métropole, nous verrons qu’en éveillant au cœur de ses habitants ces désirs de progrès intellectuel il a rendu un grand service à la cause de la littérature anglaise.

En Amérique, on ne connaît Roscoe que comme auteur ; — à Liverpool, on parle du banquier, et l’on me dit qu’il avait été malheureux en affaires. Je ne le plaignis pas, comme je le vis faire à quelques personnes riches : je ne le pus. Je le regardai comme

  1. Discours à l’occasion de l’ouverture de l’Institut de Liverpool.