Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/303

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Dans une de ces naïves relations des guerres contre les Indiens dans la Nouvelle-Angleterre, se trouve un émouvant tableau de la désolation portée au sein de la tribu des Indiens Pequod. L’humanité recule devant ces détails froidement donnés d’une aveugle boucherie. À un certain endroit nous lisons qu’un fort indien a été surpris pendant la nuit, les wigwams livrés aux flammes, et les malheureux habitants descendus alors qu’ils essayaient de s’échapper ; et que « tout fut dépêché, terminé dans l’espace d’une heure » . Après une série d’actes semblables, « nos soldats », fait pieusement observer l’historien, « étant résolus à en opérer, avec l’aide de Dieu, la destruction complète », les infortunés sauvages ayant été chassés de leurs habitations et de leurs forteresses, poursuivis par le fer et le feu, une poignée d’hommes, mais d’hommes héroïques, lamentable débris des guerriers Pequod, avec leurs femmes et leurs enfants, se réfugia dans un marais.

Brûlant d’indignation et rendus furieux par le désespoir, leur cœur se brisant de chagrin au souvenir de la destruction de leur tribu, leur esprit se tordant, épuisé, sous l’ignominie dont à leurs yeux les couvrait leur défaite, ils refusèrent de tenir une vie mendiée des mains d’un insultant ennemi, et préférèrent la mort à la soumission.

À l’approche de la nuit, ils furent cernés dans leur affreuse retraite, de manière à rendre la fuite impraticable. Dans cette position, l’ennemi « tira sur eux tout à son aise, et par là beaucoup furent tués et disparurent sous la vase ». Un petit nombre, à la faveur de l’obscurité et du brouillard qui précédèrent le lever du jour, passa au travers des assiégeants et disparut dans les bois : « le reste devint la proie des vainqueurs ; beaucoup furent tués dans le marais, aimant mieux, les intraitables chiens, dans leur obstination et leur rage, rester immobiles et être criblés de balles ou taillés en pièces » que de demander quartier. Quand le jour vint éclairer brusquement cette poignée d’hommes perdus, mais indomptables, les soldats, entrant dans le marais, « aperçurent plusieurs groupes assis, étroitement serrés, sur lesquels ils déchargèrent leurs armes, bourrées de dix ou douze balles de pistolet à la fois ; plaçant la gueule de leurs armes sous les branches, à quelques mètres d’eux ; de telle