collines et marais, jusqu’à ce qu’ils atteignissent le pont ; quand le cavalier se changea soudain en squelette, jeta dans le ruisseau le vieux Brouwer, et d’un bond s’élança sur les cimes des arbres, dans un coup de tonnerre.
Cette histoire trouva sur-le-champ son égale dans la trois fois merveilleuse aventure de Brom Bones, qui traita dédaigneusement le Hessois galopant d’écuyer manqué. Il affirma que, revenant une nuit de Sing-Sing, village voisin, il avait été rattrapé par ce cavalier de minuit ; qu’il lui avait proposé de courir avec lui pour un bol de punch, et aurait bien certainement gagné, car Daredevil battait le cheval-fantôme à plate-couture, si, juste au moment où ils arrivaient au pont de l’église, le Hessois n’avait bondi comme une flèche et disparu dans un sillon de feu.
Tous ces contes, faits de ce ton assoupi, mystérieux, avec lequel on s’entretient dans l’ombre, les figures des auditeurs, qui de loin en loin seulement empruntaient un passager éclat à la lueur éblouissante d’une pipe, pénétraient profondément dans l’esprit d’Ichabod. Il s’acquitta en nature, avec de copieux extraits de son inestimable auteur, Cotton Mather, et y ajouta maints événements merveilleux qui s’étaient passés dans l’État où il était né, le Connecticut, et les effrayantes apparitions qu’il avait vues dans ses courses nocturnes à travers le Vallon endormi.
La joyeuse réunion se dispersa peu à peu. Les vieux fermiers rassemblèrent leurs familles dans leurs chariots, que pendant quelque temps on entendit s’engager avec fracas dans les chemins creux et remonter les collines lointaines. Quelques-unes des jeunes paysannes se juchèrent sur des coussinets derrière leurs bergers favoris, et leurs joyeux éclats de rire, mêlés au bruit des sabots de cheval, se répétèrent le long des bois silencieux, s’affaiblissant de plus en plus, jusqu’à ce qu’ils s’éteignissent graduellement dans le lointain, — et cette scène récente de tapage et de folie ne fut plus que silence et abandon. Ichabod seul resta derrière, suivant la coutume des amoureux de campagne, pour avoir un tête-à-tête avec l’héritière, pleinement convaincu qu’il était maintenant sur la grande route du succès. Que se passa-t-il à cette entrevue, c’est ce que je n’ai pas la prétention de dire, car la vérité est que je n’en sais rien. Cependant il faut, j’en ai peur, que les choses aient bien mal tourné,