Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/66

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que l’intérêt, — qui vous étreignent le cœur encore plus que l’orgueil, — qui nous feront encore jeter en arrière un œil de regret alors que nous fuirons loin, loin du toit paternel, et déplorer l’obstination de la mère qui repousse les caresses de son enfant.

Quelque imprévoyante, quelque injudicieuse cependant que puisse être la conduite de l’Angleterre dans ce système de diffamation, de notre part les récriminations seraient également blâmables. Je ne parle pas d’une vive et noble défense de notre pays, ni d’un châtiment exemplaire à l’adresse de ses calomniateurs ; — mais je fais allusion à cette tendance à user de représailles pour user de représailles, à rendre sarcasme pour sarcasme, à souffler les préjugés, qui semble se répandre de tous côtés parmi nos écrivains. Mettons-nous surtout en garde contre un semblable penchant, car ce serait aggraver le mal au lieu d’arriver au redressement des torts. Il n’est rien qui soit aussi facile, aussi séduisant, que de rendre outrage pour outrage et sarcasme pour sarcasme ; mais c’est une lutte méprisable et sans utilité : c’est la ressource d’un esprit malade qui s’agite et parvient à l’irritation plutôt qu’il ne s’échauffe et s’indigne. Si l’Angleterre veut bien permettre aux mesquines jalousies de métier, ou bien aux animosités implacables de la politique, de corrompre l’intégrité de sa presse et d’empoisonner la source de l’opinion publique, gardons-nous de suivre son exemple. Elle peut croire qu’il est de son intérêt de répandre l’erreur et d’engendrer l’antipathie, que cela doit arrêter l’émigration ; nous n’avons aucun but de cette sorte à poursuivre. Nous n’avons pas non plus des instincts de jalousie nationale à satisfaire, — car jusqu’ici, dans toutes nos rivalités avec l’Angleterre, c’est nous qui l’emportons, qui nous élevons. Nous ne pourrions donc avoir d’autre dessein que celui d’assouvir notre ressentiment — pur esprit de représailles, qui serait même impuissant. Car nos répliques n’étant jamais publiées en Angleterre, elles n’atteignent pas leur but ; mais elles entretiennent une humeur chagrine et dolente parmi nos écrivains ; elles aigrissent les douces eaux de notre jeune littérature ; elles mêlent des ronces et des épines à ses fleurs. Ce qu’il y a de pis, c’est qu’elles circulent dans notre propre pays, et que partout où elles produisent de l’effet elles excitent de virulents préjugés nationaux. C’est ce dernier malheur qu’il faut