Page:Irving - Le Livre d’esquisses, traduction Lefebvre, 1862.djvu/75

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timent moral dont ils semblent imprégnés. Ils s’associent dans l’esprit aux idées d’ordre, de calme, de principes sains et bien assis, d’usages vieillis et de coutumes respectables. Tout y semble avoir mené pendant des siècles une existence régulière et tranquille. C’est la vieille église, dont le style se perd dans la nuit des temps, avec son portail massif et bas, sa tour gothique, ses fenêtres, riches en vitres peintes à réseau, dans un état de conservation parfaite ; ses fiers monuments, où reposent des guerriers et des preux du vieux temps, ancêtres des propriétaires actuels du sol ; ses tombes, rappelant les générations successives de vigoureux fermiers dont les descendants labourent encore les mêmes champs et s’agenouillent devant le même autel ; — le presbytère, curieux bâtiment de forme irrégulière, en partie suranné, mais réparé, modifié suivant le goût des temps divers et des divers occupants ; — la barrière, et le sentier qui conduit hors du cimetière, dans une campagne délicieuse, entre d’épaisses bordures de haies, en vertu d’un droit de passage immémorial ; — le village voisin, et ses vénérables chaumières, sa pelouse publique abritée par des arbres, sous lesquels les ancêtres de la génération actuelle se sont divertis ; — l’antique demeure seigneuriale, debout à l’écart dans quelque petit domaine rustique, mais jetant en bas un œil protecteur sur la scène environnante. — Tous ces traits, communs au paysage anglais, dénotent un calme, une sécurité inébranlables, une transmission héréditaire de vertus domestiques et d’attachement local ; ils parlent bien haut et d’une façon bien touchante en faveur du caractère moral de la nation.

C’est un charmant spectacle, le dimanche matin, quand la cloche fait tomber sa grave mélodie sur les champs silencieux, que de voir les paysans dans leurs plus beaux atours, avec leurs visages colorés et leur modeste enjouement, s’amasser paisiblement le long des verts sentiers qui mènent à l’église ; mais c’est plus charmant encore de les voir se rassembler, les soirs, sur le seuil des portes de leurs chaumières ; ils semblent s’enorgueillir de l’humble bien-être, des embellissements que leurs mains ont répandus autour d’eux.

C’est ce doux sentiment de l’intérieur, cette sécurité, ce repos de l’affection encadrée dans les scènes domestiques, qui, après tout, enfante les vertus les plus robustes et les jouissances les