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Page:Isaac Newton - Principes mathématiques de la philosophie naturelle, tome1.djvu/37

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méchanique. Il eſt cependant conſtant qu’il y a dans les corps des propriétés primitives, & qui par cette raison ne peuvent dépendre d’autres propriétés : que l’on examine donc ſi ces propriétés ne ſont pas ſurnaturelles, & par conſéquent dans le cas d’être réjettées ; qu’on voye enfin ce que deviondroit la Philoſophie avec de tels raiſonnemens.

Il a encore une autre eſpèce de Philoſophes qui ne rejettent la Phyſique céleſte de M. Newton que parce qu’elle eſt oppoſée au ſyſtème de Deſcartes, & ne paroît pas pouvoir s’accorder avec les principes de ce Philoſophe. Nous ne pouvons pas les empécher de ſuivre leur ſentiment ; mais il faut qu’ils ſe conduiſent de même à notre égard, & qu’ils ne refuſent pas aux autres une liberté qu’ils veulent qu’on leur accorde. Qu’il nous ſoit donc permis d’embraſſer la Philoſophie de Newton, & de nous y attacher, parce qu’elle nous paroît plus véritable ; qu’il nous ſoit permis de préférer des cauſes prouvées par les phénomenes à des cauſes fictices, & qui ne ſont confirmées par aucune expérience. Une vraie Philoſophie ne doit employer dans l’explication de la nature que des cauſes vraiment exiſtantes ; elle ne doit point chercher les loix par leſquelles le Tout-puiſſant auroit pu produire l’ordre admirable qui regne dans cet univers, s’il avoit jugé à-propos de les employer ; mais ſeulement celles qu’il a réellement établies par un acte libre de ſa volonté. En effet, nous pouvons croire raiſonnablement qu’un même effet peut être produit par pluſieurs cauſes différentes ; mais la vraie cauſe pour un Philoſophe, eſt celle qui produit actuellement l’effet dont il eſt queſtion : la bonne Philoſophie n’en réconnoît point d’autres. Dans les pendules, le même mouvement de l’éguille qui marque les heures peut dépendre également d’un poids ſuſpendu, ou d’un reſſort enfermé dans la machine. Si l’on a devant ſoi une horloge miſe en mouvement par un poids, ce ſeroit une choſe ridicule d’imaginer un reſſort, & de vouloir expliquer le mouvement de l’éguille par cette hypothéſe faite avec trop de précipitation ; car il falloit d’abord conſidérer attentivement la conſtruction intérieure de la machine, afin de reconnoître par expérience le vrai principe du mouvement propoſé : on peut porter à-peu-près le même jugement de ces Philoſophes qui commencent par établir que l’eſpace immenſe des Cieux eſt rempli d’une matière extrêmement ſubtile, & veulent enſuite que cette même matière ſoit miſe dans un mouvement continuel par les tourbillons qu’elle a formés ; car il pourroit arriver qu’ils expliquaſſent tous les Phénomenes par leurs hypotèſes, & que l’on ne pourroit pas dire pour cela qu’ils nous euſſent donné une vraie Philoſophie, ni qu’ils euſſent découvert les vraies cauſes des mouvemens céleſtes ; à moins qu’ils ne nous ayent démontré l’une