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PRINCIPES MATHÉMATIQUES

des ſerviteurs : & l’on doit entendre par divinité la puiſſance ſuprême non pas ſeulement ſur des êtres matériels, comme le penſent ceux qui font Dieu uniquement l’ame du monde, mais ſur des êtres penſans qui lui ſont ſoumis. Le Très-haut eſt un Etre inſini, éternel, entierement parfait : mais un Etre, quelque parfait qu’il fût, s’il n’avoit pas de domination, ne ſeroit pas Dieu. Car nous diſons, mon Dieu, votre Dieu, le Dieu d’Iſrael, le Dieu des Dieux, & le Seigneur des Seigneurs, mais nous ne diſons point, mon Eternel, votre Eternel, l’Eternel d’Iſrael, l’Eternel des Dieux ; nous ne diſons point, mon infini, ni mon parfait, parce que ces dénominations n’ont pas de relation à des êtres ſoumis. Le mot de Dieu ſignifie quelquefois le Seigneur. [1] Mais tout Seigneur n’eſt pas Dieu. La domination d’un Être ſpirituel eſt ce qui conſtitue Dieu : elle eſt vraie dans le vrai Dieu, elle s’étend à tout dans le Dieu qui eſt au-deſſus de tout, & elle eſt ſeulement fictice & imaginée dans les faux Dieux : il ſuit de ceci que le vrai Dieu eſt un Dieu vivant, intelligent, & puiſſant ; qu’il eſt au-deſſus de tout, & entierement parfait. Il eſt éternel & infini, tout-puiſſant, & omni-ſcient, c’eſt-à-dire, qu’il dure depuis l’éternité paſſée & dans l’éternité à venir, & qu’il eſt préſent partout l’eſpace infini : il régit tout ; & il connoît tout ce qui eſt & tout ce qui peut être. Il n’eſt pas l’éternité ni Tinfinité, mais il eſt éternel & infini ; il n’eſt pas la durée ni l’eſpace, mais il dure & il eſt préſent ; il dure toujours & il eſt préſent partout ; il eſt éxiſtant toujours & en tout lieu, il conſtitue l’eſpace & la durée.

Comme chaque particule de l’eſpace éxiſte toujours, & que chaque moment indiviſible de la durée dure partout, on ne peut pas dire que celui qui a fait toutes choſes & qui en eſt le Seigneur

  1. Pocock fait dériver le mot de Dieu du mot arabe (Du & au génitif Di) qui ſignifie Seigneur, & c’eſt dans ce ſens que les Princes ſont appellés Dieux (au Pſeaume 84. v. 6. & au 10. ch. de S. Jean, v. 45.) Moyſe eſt appellé le Dieu de ſon frere Aaton, & le Dieu du Roi Pharaon, (ch. 4. de l’Exod. v. 16. & ch. 7. v. i.) & dans le même ſens les ames des Princes morts étoient appellées Dieux autrefois par les Gentils, mais c’étoit à tort, car après leur mort ils n’avoient plus de domination.