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Page:Isnardon - Le Théâtre de la Monnaie, 1890.djvu/652

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Le Théâtre de la Monnaie. — 1884-85.

Né à Namur, Verdhurdt-Fétîs avait chanté les barytons sur diverses scènes françaises ; il s’était retiré depuis peu à Bruxelles, où il jouissait d’une certaine notoriété, et avait publié plusieurs ouvrages sur la musique.

M. Reyer avait promis au Théâtre de la Monnaie une œuvre nouvelle : Salammbô. Les journaux annoncèrent que, par suite du départ de Stoumon et Calabresi, il retirait sa parole, et portait son ouvrage à l’Opéra de Paris.

Pour leurs étrennes, les directeurs s’offrirent une éclatante reprise d’Obéron, qui fournit de superbes recettes et fut bientôt suivie de la Muette de Portici, qui, cette fois, ne produisit ni révolution, ni… argent.

Enregistrons, après le retour de M me Albani, le chaleureux accueil fait à la Tsigane, ballet de l’infatigable Stoumon, aux Scènes des Horaces de Saint-Saëns, et au ravissant opéra comique dePoise : Joli Gilles, qui fut l’occasion d’un succès pour Soulacroix et M lle Legault dans les figurines de Gilles et Violette, et arrivons enfin à l’événement important de la saison : la « première » des Maîtres Chanteurs. C’était une grande bataille artistique, une date dans l’histoire, un combat qui rappelait ceux d Armide et d’Alceste !

Victor Wilder avait accompli son rude et admirable travail de traduction, pour Bruxelles, qui voyait créer, en français, la « comédie musicale » du maître de Bayreuth.

La victoire fut éclatante. On s’était disputé les places à prix d’or ; plus d’un parterre avait été payé quarante francs, tandis que les fauteuils d’orchestre atteignaient le double de cette somme. La salle était magnifique : S. M. la Reine et S. A. R. la Comtesse de Flandre occupaient les baignoires d’avant-scène. Le Tout-Bruxelles des grandes « premières » et aussi le Tout-Paris des arts, étaient là. La soirée ne fut qu’un long triomphe pour Wagner, pour ses interprètes, pour le maestro Dupont et pour les directeurs, dont ce coup d’audace signalait la retraite.

Stoumon et Calabresi semblaient vouloir augmenter encore les regrets que laissait leur départ, et marquer ainsi la dernière période d’une administration qui fut exceptionnellement brillante, et dont les résultats avaient été jusque-là uniques dans les annales du Théâtre de la Monnaie.

Avec eux, s’en allaient les premiers artistes de la troupe : Gresse, Mmes Caron et Bosman étaient engagés à l’Opéra ; Mlle Deschamps et Soulacroix, à l’Opéra-Comique.