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répètes tout le temps ! Je ne suis pas plus distrait qu’un autre, entends-tu ! L’histoire de ton cahier, c’est tout naturel, ça pouvait arriver à tout le monde. Tu me fais voir tes notes pour l’affaire Mac Sylvan, je les parcours, puis on cause… Ça m’agaçait d’avoir ce carnet dans les mains ; je le fourre en poche, machinalement, puis tu me mets à la porte, sous prétexte de travail, et je repars pour Trouville, avec tes notes, bien entendu… C’est une fatalité, mon vieux, et tu me fais tort, tu exagères, en concluant que je suis distrait !

Cela dit, Théodule, d’un doigt preste, secoua la cendre de son cigare dans une bonbonnière à moitié pleine de violettes confites.

— C’est pourtant parce que je te crois distrait, répliqua Jean, que je retrouve mon carnet et que je ne perds pas vingt mille francs en cette aventure. Après l’avoir consulté, tu l’avais posé sur mon bureau, ce cahier de notes. Je l’ai vu, j’en suis certain, et je croyais donc n’avoir plus à me défier de ton étourderie. Si tu l’as fourré en poche, c’est que tu l’as repris de nouveau, sans savoir ce que tu faisais, pendant que j’étais sorti pour donner des ordres. Or, tu ne l’ignores pas, et tu aurais pu y songer, ce carnet, fruit de six mois de travail, contient toutes mes notes sur l’affaire Mac Sylvan, et ce milliardaire devait venir ici, hier soir, pour conclure catégoriquement, par oui ou non, selon son habitude. J’ai eu, grâce à toi, la honte de chercher en vain ces notes indispensables, de m’excuser, de prier, de supplier, pour que cet homme, qui refile ce soir vers l’Amérique, consente à revenir aujourd’hui, malgré son parti pris de traiter toute affaire en une seule séance. Il a consenti, heureusement. Resté seul, j’ai pensé aussitôt