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Page:Ista - Contes & nouvelles, tome I, 1917.djvu/75

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Je me fous de vos intentions ! rugit le chanteur. Il ne me plaît pas qu’on me calomnie dans les journaux. Vous allez faire passer une note de rectification, entendez-vous ! Et quelque chose de soigné, encore !

— Je… je ne demanderais pas mieux, gémit Eugène Toumiel. Mais je ne peux pourtant pas démolir le baryton pour vous être agréable… Vous avez absolument raison, mon cher et grand artiste, ce Durand est un chanteur et un acteur exécrables. Mais si je le démolis, il réclamera également. Et je me mettrai à dos le directeur du théâtre, les abonnés qui ont voté pour le baryton, un tas de gens dont l’appui est indispensable à la bonne marche de l’Impartial… Je ne vois vraiment pas de quelle façon…

Le ténor haussa les épaules.

— Quand je disais, grommela-t-il, que vous ne connaissez pas votre métier ! Donnez-moi une plume et du papier, je vais vous fignoler ça en cinq secondes.

Il s’assit devant le bureau, tandis que le directeur de l’Impartial s’empressait à le servir. Les cinq secondes durèrent dix bonnes minutes. Après quoi, sans même prendre la peine de se relire, le chanteur jeta sa plume en déclarant :

— C’est bien entendu : vous ferez imprimer ceci la semaine prochaine, sans en retrancher un seul mot.

— C’est promis, cher monsieur, formellement promis, bredouilla Eugène Toumiel.

Et le ténor s’en fut, le chapeau sur la tête, en murmurant un vague bonjour, en esquissant de la main un petit geste protecteur, tandis que le plumitif, profondément incliné, tenait la porte grande ouverte.

La semaine suivante, l’Impartial de Sambre-et-Meuse publiait scrupuleusement et intégralement l’avis de M. Carcragnac sur M. Carcragnac :