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Page:Ista - Contes & nouvelles, tome II, 1917.djvu/21

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ne jamais prêter un centime à personne. Du reste, je n’ai pas ici les cinquante louis dont vous avez besoin.

Il devient plus charmant encore, me loue fort d’avoir fait un tel serment, et conte quelques histoires amusantes sur les tapeurs, qu’il arrange de la belle façon. Décidément, Panuche a calomnié cet homme.

Il se lève. Il va s’en aller… Déjà !… Oui, il ne peut rater les courses, ayant un tuyau tout à fait sûr pour la seconde. Soudain il me glisse à l’oreille, mystérieusement :

— Écoutez… J’ai pour vous une sympathie énorme… Je veux vous faire profiter de ce tuyau… Il m’est impossible de vous nommer le cheval gagnant, car j’ai promis le secret. Mais donnez-moi cinq louis et je vous rapporte quatorze cents francs dans deux heures…

C’est bien tentant, sans doute. Malheureusement, je suis un homme à principes, et j’ai aussi juré de ne jamais toucher une carte, de ne jamais jouer aux courses. Je le lui dis franchement. Il ne se froisse pas, il s’écrie d’un air ravi :

— Vraiment, vous n’avez jamais joué ! Vous avez eu ce courage ! Comme je vous envie ! Moi, les cartes et les chevaux me coûtent cent mille francs par an.

Et il me conte, d’affilée, une vingtaine d’anecdotes terribles sur les conséquences de cette fatale passion. Tout en causant, il tire sa montre. Ses yeux s’arrondissent de stupéfaction. Il s’exclame :

— Déjà ! Mais je n’arriverai jamais !… Vite, très cher, un louis pour payer mon taxi !… Pas une seconde à perdre !

J’ai déjà plongé deux doigts dans mon gousset. Mais alors, il me semble qu’une voix goguenarde murmure à mon oreille : « Il te tapera ! Il te tapera