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Page:Ista - Contes & nouvelles, tome II, 1917.djvu/23

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où je vais parfois prendre l’apéritif. Il tient ma sonnette en main et me tend ce billet :

« Très cher ami,

» Il m’arrive l’aventure la plus ridicule. En sortant de chez vous, je suis entré dans un café pour écrire quelques lettres, et y ai dépensé, en consommations et timbres-poste, l’énorme somme de quatre francs vingt centimes. Au moment de payer, je me suis rappelé que je n’avais pas un sou en poche. Le patron s’est alors emparé de votre sonnette, que j’avais posée sur la table pour l’admirer encore. Je ne veux pas qu’un objet qui vous appartient coure le risque de s’égarer. Veuillez donner cent sous au garçon qui vous restituera votre sonnette. Bien entendu, je serai chez vous dans une heure pour vous rendre cette bagatelle et vous faire de vive voix des milliers d’excuses. Merci, cher ami, et à tout à l’heure.

» Roland de Vallombreuse. »

Je demande à Eugène :

— Combien vous doit ce monsieur ?

— Un bock de six sous, répond-il. Mais il m’a promis un bon pourboire si je ne lâche la sonnette qu’en échange de cinq francs.

— Bien. Voilà quarante sous. Ça vous fait un franc soixante-dix de pourboire. Si ce monsieur réclame, dites-lui de venir s’expliquer ici.

Je reprends ma sonnette. Eugène s’en va… Allons, Panuche disait vrai : Roland de Vallombreuse n’est qu’un vil tapeur. Mais il ne m’a pas tapé, moi ! Je lui ai payé un bock et j’ai donné trente-quatre sous à Eugène ; mais il ne m’a pas tapé… On ne me tape pas, moi !

Mercredi. — J’entre au petit café pour savoir comment le tapeur a pris sa déconvenue. Malédiction !