Page:Ista - Contes & nouvelles, tome II, 1917.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52

tribution de l’immeuble indique clairement que l’appartement de la voyante ne doit comprendre, outre le dit couloir, qu’un salon et une chambre à coucher. C’est pourquoi le monsieur, abandonné à ses réflexions solitaires, regarde curieusement autour de lui, et semble se demander où l’on a bien pu fourrer les seize personnes qui le précèdent et l’obligent à attendre si longtemps.

Au bout d’une heure à peine, Ruy-Blas reparaît et lance d’une voix sonore : « Le liméro 17 ! » Puis le monsieur est introduit dans l’antre de la sibylle, qui ressemble à s’y méprendre au salon d’une cocotte malchanceuse : pichpin et andrinople rouge, Dufayel fecit.

La pythonisse est déjà installée sur son trépied, qui affecte la forme d’un fauteuil Voltaire. Elle est énorme. Son ventre tombe sur ses genoux, sa poitrine sur son ventre, son menton sur sa poitrine. Seuls, ses cheveux se maintiennent très bien. Il est vrai qu’ils ne sont pas à elle.

Après une courte inclinaison de tête, elle prononce, d’une voix blanche, lasse et indifférente :

— C’est quarante sous.

Le monsieur tire la pièce demandée, et, plein de tact, la pose sur une table, à côté de lui. Mais Mme Florida connaît la vie, elle en a vu de toutes les couleurs, et on ne lui fait pas le coup de la discrétion.

— Donnez voir, dit-elle en tendant la main.

Le monsieur reprend la pièce et la passe à la voyante, qui l’examine, la fait sonner, puis l’engloutit soudain dans une cachette mystérieuse, si habilement que le client se demande où elle peut être passée. Dans la bouche de Mme Florida ? Dans son bas, plutôt. Sans doute une vieille habitude.