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encore manqué que deux cent quarante-huit fois à mon serment de ne plus toucher une carte.

Trois heures plus tard, Jean Travers perdait dix-sept francs trente-cinq sur parole.

Vers quatre heures du matin, Louisette s’éveilla en sursaut. Dans l’obscurité absolue de la chambre, une voix solennelle proférait en bafouillant un peu :

— Éveille-toi, Louisette ! Éveille-toi, être pur et candide ! Je suis l’archange Gabriel, et je t’ai choisie entre toutes les femmes pour te révéler un secret d’État. Lève-toi incontinent, Louisette, va réveiller le président de la République, et apprends-lui que le Ciel a décrété…

Doucement, Louisette interrompit le céleste archange :

— Couche-toi ; il est trop tard pour faire la bête.

Mais la voix reprit, plus solennelle encore :

— Je ne puis t’obéir, ô Louisette, car je suis l’archange Gabriel, et les anges ne peuvent ni se coucher ni s’asseoir, parce qu’étant des êtres purs et intangibles, ils n’ont pas de postérieur. Va tirer le président de son plumard, ô femme, et dis-lui que le Ciel…

Étant parvenue à allumer une bougie. Louisette aperçut son seigneur et maître qui se cramponnait affectueusement au tuyau du poêle.

— Y’a des papiers pour toi sur la table, dit-elle. C’est un huissier qui m’a remis ça.

— J’parie que c’est pas encore pour un héritage ! grommela Jean Travers.

Il gagna difficilement la table, et contempla les papiers d’un air si mélancolique que sa compagne demanda :