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d’un vibrant : « Salut, tas de grues ! » Personne ne broncha. Mais l’autre, qui, malgré sa migraine tenait à son petit effet, donna des détails :

— C’est vrai, qu’vous êtes toutes des grues. Chonchette le disait t’à l’heure encore au patron.

Une clameur emplit la loge :

— Elle a dit ça !… Qui c’est qu’a dit qu’elle l’avait dit ?… Elle en a, du culot !… Si on n’est même plus respectées par les choristes !…

— C’est Théréson qui l’a entendu, spécifia Zulma. Vous êtes toutes des grues, et pis v’là tout.

Des projets de vengeance jaillirent, immédiats :

— On va lui casser la gueule !… Faut raconter au patron c’ qui s’ passe avec le ténor !… J’en ai plein l’ dos, d’ la boîte !… Mettons-nous toutes en grève !…

On ne sut jamais qui avait lancé ce mot de grève. Mais, comme l’idée était saugrenue, absurde et irréalisable, toutes ces charmantes petites âmes de perruches futiles et puériles sautèrent dessus avec transport :

— Bravo ! en grève !… Toutes en grève !… Pas de ballet ce soir !… Attrapés, l’ patron et la patronne !…

Zulma, debout dans un coin, jugeait la question avec sa largeur de vue ordinaire, en pensant que ce n’était pas encore en faisant tout ce potin qu’on guérirait son mal de tête.

Fébrilement, les danseuses enfilaient leurs bottines, se recoiffaient et se repoudraient la figure, en trois coups de houppette. Des rires fusaient, jaillis de la joie infinie de faire une bonne grosse bêtise. Et puis, on allait réaliser ce rêve si rare au théâtre : avoir une soirée à soi.

— Au café des Artistes ! lança une voix. On trouvera des types pour rigoler.