Page:Ista - Håre èt hote, 72 contes en 12 fascicules, No 11, 1917.djvu/25

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père se dit comme ça, sur le temps d’une allumière : « Si je n’ les tuwe pas, c’est eusses qui m’ vont tuwer ! » Il attrape son fusil par le canon, èt avant qu’is aient poulu prente leurs sâpes, i roufèle dedans, malgré qu’i tremblait d’ tous ses mempes, èt i vous les maque tous les trois par terre comme des cochons ahorés. N-avait un qu’était mort, n-a un qui s’ relèfe et qui court en voye, èt l’ troisième, que c’était un officier, s’ met à ch’noux en criant, avec sa tête qui saignait : « Grâce ! monsieur le soldat ! » Ça fait qu’ mon grand-père lui attache ses mains avec la cinque de son sâpe, èt puis i s’ remet à avoir aussi peur que d’avance, pasqu’i s’ demandait qu’est-ce qu’il allait faire tout seul, avec un prîsonnier èt trois ch’faux, lui qui n’avait jamais èté à cavaye que sur le caroussel da Marèye. Là-d’ssus, voilà qu’il entend des autes chevaux qui m’naient au galop : badabouf, badabouf ! « Ce coup-ci, dist-i mon grand-père, je suis rosti ! »

I r’garte quî qui m’nait… Et sé-tu bien quî était-ce ? Le grand Napolèyon lui-même, avec tout son ètat-major èt tout plein des cavaliers à ch’fal. Et voilà l’empèreur qui vient tout près d’ mon grand-père, èt qui dit comme ça :

— Qu’est-ce que tu fais là, toi ? dist-i.

— Moi, je fais des prîsonniers, dist-i mon grand-père.

— Toi tout seul ? T’es bien un hardi, dist-i Napolèyon. Combien est-ce que t’en as fait ?

— N’a un qu’est mort, dist-i mon grand-père, n’a un qu’a vanné en voye, èt les aûtes c’est trois ch’faux èt un officier.

— T’es-t-un brafe, dist-i Napolyèon. De quel pays est-ce que tu es ?

— De Liéche, sîre empèreur, dist-i mon grand-père.

— Je m’en avais bien douté, dist-i Napolyèon, que t’étais encore une tête de houille ! Tchins, voilà ma