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Page:Ista - Håre èt hote, 72 contes en 12 fascicules, No 11, 1917.djvu/3

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LXI.

UN ARTISTE


Natole Kaiqueux était le fils unique et adoré d’une veuve qui tenait, dans un faubourg de Liége, un petit commerce fort prospère d’épiceries et aunages. Comme l’école l’ennuyait, il y alla le moins possible, approuvé en cela comme en tout par sa bonne femme de mère. Peut-être eût-il appris un métier, comme tout le monde, s’il n’avait eu, dès l’âge de seize ans, de l’argent plein les poches ; n’ayant pas trop de toutes ses journées pour le dépenser, il ne trouva jamais le temps d’aborder un apprentissage quelconque. En revanche, il s’instruisait si bien dans l’art de faire danser la galette, qu’au moment où il atteignait sa vingt-cinquième année, le petit magasin d’épiceries et aunages fut vendu par autorité de justice, et la vieille maman s’en alla mourir à l’Hospice des Vieillards. Natole, obligé soudain de se tirer d’affaire, était si occupé qu’il ne trouva pas le temps d’aller la voir une seule fois.

Il mena dès lors une existence fort mouvementée, dans laquelle la justice de son pays eut l’indiscrétion d’intervenir à plusieurs reprises. Vers la cinquantaine, il trouva enfin son chemin de Damas et, comme tant de sans-métier, adopta celui d’artiste : portant un orgue de Barbarie loué rue Pierreuse, il alla, de seuil