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Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/152

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par un beau dimanche

citait fort doctement, il n’avait peut-être jamais réfléchi, semblait-il, que l’une ou l’autre de ces méthodes se pût appliquer à lui-même. Aussi geignait-il du matin au soir, non par pessimisme théorique et raisonné, mais parce que son esprit médiocre, faux comme un piano de bastringue, tortu comme la jambe d’un bancroche, ne pouvait recevoir une image ou une idée sans la déformer aussitôt, la teinter de couleurs inexactes et lugubres, pour fabriquer des calamités et des catastrophes, uniques et bien personnelles, avec les événements les plus communs, les plus insignifiants.

Tous les objets qui tombent dans un seau d’ordures en sortent salis. De même les idées les plus belles, les faits les plus anodins, passant par la cervelle de M. Vireux, en sortaient tachés, pollués, moisis, avariés. Du reste, sitôt l’opération terminée, il répandait autour de lui, à pleines mains, avec une magnifique générosité, les résultats de son charmant petit travail. Nul n’excellait comme lui à montrer au prochain, même et surtout quand ça n’y était pas, le ver dans le fruit et le fumier sous les roses.

Aussi, Mme Vireux menait l’agréable existence d’une pelote dans laquelle on enfonce des épingles vingt fois par jour, et vivait dans l’attente continue d’une douzaine de catastrophes inéluctables, formellement prédites, et d’autant plus angoissantes que, ne se produisant jamais, elles restaient à l’état, horripilant entre tous, de perpétuelles et mystérieuses menaces.

Quant au jeune Hippolyte, il cultivait, à neuf ans, les joyeux états d’àme d’un Faust ou d’un Hamlet qui aurait beaucoup lu Schopenhauer, et s’il ne jouait jamais avec des têtes de morts, c’est qu’il était dégoûté de tous les jeux depuis bien longtemps déjà. Habitué à voir ses idées les plus logiques, ses désirs les plus simples,