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Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/174

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cines d’arbres, mettant le pied dans des trous pleins de hautes herbes, dans des flaques d’eau qui rejaillissaient autour de sa robe, une branche lui griffa la joue, au passage. Elle l’écarta d’une main machinale. Un gros poisson sauta hors de l’eau, retomba avec un grand bruit de gifle. Et Marie, s’arrêtant, regarda sans voir, jusqu’à ce qu’ils fussent disparus, les cercles qui allaient s’élargissant sur la face calme de la rivière. Une pierre roula, derrière elle, comme si quelqu’un, homme ou bête, la suivait. La jeune fille se retourna, menaçante, les poings serrés, la tête tendue vers l’ombre inquiétante, un sauvage rictus retroussant ses lèvres sur ses petites dents blanches. Et elle entendit, de nouveau, l’étrange et sourd hurlement, le cri de bête aux abois qui se formait dans sa gorge, indépendamment de sa volonté, et qu’elle se fût crue incapable de produire. Puis elle se remit à fuir, plus vite encore, en appelant :

— François !… François !

Soudain, elle trébucha contre un obstacle invisible, tomba dans l’herbe, tout de son long, et resta là, couchée, immobile, avec un rauque halètement de bête assommée. Elle était tombée si près de la berge que son front se penchait sur la rivière. Mais, bien que l’eau fût à un mètre à peine de ses yeux écarquillés, elle ne voyait rien, entre les buissons vaguement devinés à gauche et à droite, qu’un trou d’ombre insondable et mystérieuse, d’où montait une fraîcheur très douce et très attirante. Alors, avec la fulgurante intensité dont s’illuminaient, maintenant, toutes les images écloses dans son cerveau, elle revit une vieille gravure contemplée bien des fois, jadis, à la muraille d’un salon ami : une tête fine et pâle, couronnée de fleurs, les yeux fermés par la mort, mais un sourire aux lèvres, doucement bercée par la caresse de l’onde nacrée