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Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/62

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par un beau dimanche

galanteries de corps de garde. Il ne cessait d’offrir sa conduite en exemple à tous les maris de l’honorable société, les invitant sans relâche à vider deux ou trois litres avec lui, pour montrer aux bourgeoises qu’on est des hommes, nom d’un cric !… Ou bien, il enseignait des refrains de caserne aux gosses de six ans, et leur faisait boire en cachette des verres de fil-en-quatre, pour les former. Avec cela, plus curieux qu’une pie borgne, plus médisant qu’une servante congédiée, se mêlant de tout, s’imposant dans chaque conversation, embrouillant à plaisir les histoires les plus simples, mais ayant, à vrai dire, un excellent moyen à proposer pour les mener à bien, quelles qu’elles fussent ; « Flanquez-lui une bonne tripotée, nom d’un cric ! » Il se montrait, du reste, toujours prêt à joindre l’exemple à la parole, et s’était déjà colleté une demi-douzaine de fois avec des clients.

On comprend que la présence d’un tel hôte eût fait fuir depuis longtemps la bonne clientèle de jadis, habituée à la plate et obséquieuse servilité de la famille Créton. On ne voyait plus à l’auberge que des clients de passage, qui s’empressaient de filer au bout de quelques jours et ne reparaissaient jamais plus.

Mérance n’eut donc à dresser qu’une dizaine de couverts, y compris ceux du quatuor Brusy-Hougnot, et l’on allait se mettre à table, quand Eudore, qui vidait un fond de bouteille au coin de la fenêtre, annonça l’arrivée d’un convive supplémentaire en entonnant son inévitable refrain :

Tous les clients sont des cochons,
La faridondon, la faridondaine…

Le nouveau venu était un jeune homme coiffé d’un superbe feutre gris et chaussé de bottines