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Page:Ista - Par un beau dimanche, 1921.djvu/92

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par un beau dimanche

céleste concert. La grande Joséphine opinait, de sa voix aigre et désenchantée :

— Cinquante mille francs ?… C’est bien peu, mon cher père… Notre oncle me disait tout à l’heure qu’on lui offre soixante-quinze mille francs de la maison.

Hougnot, qui aimait les gros chiffres, eut un sursaut de joyeuse surprise.

— Soixante-quinze mille francs ! s’exclama-t-il. Et vous ne m’en disiez rien, Pascal ?

— Je… Je… En effet, je ne vous en disais rien, bredouilla prudemment le docteur.

— L’immeuble vaut ça, affirma ce bon commerçant de Hougnot. Mais qui vous a offert cette somme ?… Depuis quand ?… Dans quel but ?… Parlez donc, nom d’un chien !

L’oncle Brusy ricana de son air le plus éperdument idiot, esquissa deux ou trois gestes dépourvus de la moindre signification, puis, illuminé soudain par un éclair de génie, envoya, sous la table, un vigoureux coup de pied dans les tibias de Joséphine. Comme s’il avait ainsi déclenché le ressort d’une merveilleuse boîte à musique, le concert céleste chanta de nouveau à ses oreilles. La vieille fille susurrait, un doigt sur la bouche :

— Chut !… Mon oncle a juré de ne rien dire pour le moment… C’est un secret !

Puis, comme le docteur se contentait de la regarder avec des yeux trop évidemment ahuris, sans appuyer en rien ses affirmations, Joséphine lui détacha à son tour un solide coup de pied dans les jambes. Et M. Brusy, se lançant avec une soudaine frénésie sur la pente réprouvée du mensonge, cria de toutes ses forces, en martelant la table de vigoureux coups de poing :

— C’est un secret !… C’est un secret !… Je vous dis que c’est un secret !

Les deux jeunes filles durent refréner du re-