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Page:Ista - Rosiere malgre elle, 1928.djvu/3

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GEORGES ISTA



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Sortant d’une longue rêverie, Zouzoune murmura :

— Non, c’est pas possible que je garde ça plus longtemps !… Je paraîtrais vraiment trop ridicule !

Il ne s’agissait pas, comme on pourrait le croire, d’un chapeau de l’année dernière, ou d’une robe d’il y a deux ans. Zouzoune songeait à un article bien plus vieux que ça, puisque âgée de déjà dix-sept années.

Zouzoune songeait à sa vertu.

Il est de fait que la situation de la pauvre petite commençait à devenir paradoxale, donc fâcheuse et répréhensible. Car la morale, ne l’oublions pas, n’est rien d’autre que l’obligation de conformer sa conduite aux règles, aux habitudes, aux coutumes qui régissent les mœurs du milieu où l’on évolue. Dans le temps et dans l’espace, il y a eu, il y aura des milliers de morales fort différentes. Ce qui fut jadis un crime n’est plus aujourd’hui qu’une faute vénielle, et sera peut-être, dans cent ans, un geste fort glorieux. Tel acte répréhensible chez nous, paraît en Chine tout naturel, voire louable. Et si le fait de garder sa vertu jusqu’à dix-sept ans fut admiré dans l’ancienne Rome — pour son extrême rareté à vrai dire, — s’il est encore tenu pour estimable, —