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En quoi vous vous trompez, lecteur, car l’amoureux ne parut pas.

Et le sournois n’avait même pas donné son adresse à Zouzoune. Comment le retrouver, comment lui faire savoir qu’elle l’aimait toujours, et entendait bien ne dédier sa vertu à nul autre que lui ?

Sa vertu ! On la lui avait rivée avec des crampons de fer, décidément, elle ne parviendrait jamais à s’en débarrasser !

La voyant rentrer toute pâle, toute bouleversée, Sophie comprit aussitôt que la pauvre enfant n’avait pas encore fait connaissance, bien sûr, avec le petit objet qui tenait une si grande place dans les préoccupations maternelles. Et comme il ne pouvait, selon son âme toute simple, advenir à nulle femme un plus grand malheur que d’être privée de cela, la bonne mère demanda, sincèrement apitoyée :

— Encore Jeanne d’Arc, ma chouchoute ?… C’est donc un fainéant et un propre-à-rien, le gigolo à qui qu’ t’avais donné ta confiance ?

En pleurant, Zouzoune, conta son histoire, Sitôt qu’elle eut fini, une voix brumeuse s’éleva de l’alcôve, où Casimir soignait encore le magnifique mal aux cheveux qu’il avait pu, enfin, s’administrer la nuit précédente. Cette voix disait, auguste et paternelle :

— T’en fais pas, la gosse !… Malgré qu’ ça soye qu’un petit employé sans le sou, ton Clarinet, Casimir est toujours imputresciblement debout, pour te le récupérer, avec son courage indéfectif… Je fais le jurement assermenté de me mettre à la recherche de ce Clarinet, pour vous réintégrer de ses nouvelles toutes fraîches. Mais le souci de la véridicité m’oblige à amplifier dans ce sens, que je ne pourrai vous percuter le moindre racontar, si je ne suis pas possessif d’un capital initiateur de cinq ou six francs, lequel n’engendrera qu’une plus grande plénitude de vérité, s’il se trouve par hasard supérieur à lui-même… Chiale pas, la gosse, que je te dis !… Bien que ça soye qu’un petit employé sans le sou, je te le récupérerai, ton Clarinet !

Malgré ce magnifique discours, Zouzoune continuait à pleurer, inconsolable. Mais Sophie murmurait, les mains jointes devant l’alcôve, comme devant la statue d’un saint, vénérable et héroïque martyr de sa foi :