Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/104

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même avec Kyra ; et moi, affolé de voir ma sœur si cruellement frappée à coups de pieds, je pris un narguilé et assénai un coup sur la tête de mon aîné. Il lâcha Kyra, porta la main à sa tête qui saignait et se rua sur moi. Il avait près de vingt ans et était très fort. Je fus battu jusqu’à ce qu’il se jugeât satisfait, et que le sang me coulât par le nez et par la bouche.

Pendant ce temps, ma mère était littéralement assommée. Les vêtements en lambeaux, le corps presque nu, évanouie, le père la frappait encore. Le frère alla se laver la tête ensanglantée, et Kyra courut vers un tiroir d’où elle revint, un stylet à la main ; mais nous restâmes terrifiés devant l’horreur qui s’offrait à nos yeux : le père avait pris une sandale au talon de bois — perdue dans sa fuite par quelque moussafir — et, avec le talon, il cognait sur le visage de la pauvre mère qui bougeait à peine ses bras. Sa figure, baignée dans le sang, était une plaie.

Kyra s’avança pour frapper dans le dos le barbare, chancela, et s’évanouit. Le père la souleva, la jeta dans un grand placard, qu’on appelle iatak, et poussa le verrou. Il me laissa, moi, sous la garde du frère qui pansait sa tête avec un gros mouchoir ; puis, il prit maman sur son dos et sortit dans la