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Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/133

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Tranquillisés par son indifférence à notre égard, nous reprîmes nos ballades, de plus belle ; mais bientôt, Kyra devint moins assidue. C’est que, voyez-vous, nos bons moussafirs se mirent à louvoyer autour de la nouvelle demeure et à faire des sérénades sous nos fenêtres, du côté du port, où les passants étaient rares. Péniblement accrochés aux marches de l’escalier qui s’éboulait sans cesse, ils devinrent de soir en soir plus nombreux ; et c’était d’un comique tordant, de voir ces hommes ridiculement étagés sur la pente du talus, braillant, mêlant le jeu de leurs instruments dans une affreuse cacophonie, s’invectivant comme des larrons en foire, et parfois dégringolant sur la pente comme des sacs remplis.

Kyra et moi prenions plaisir à regarder de nos fenêtres ces fous, qui, tous, demandaient des rendez-vous : Abou-Hassan leur versa des seaux d’eau froide sur la tête ; mais l’amour est plus fort que l’eau, et ils continuèrent à nous divertir. Pour les faire enrager, Kyra reprit ses toilettes et ses coquetteries ; et de cette façon, je fus seul à trotter, le matin. Je le fis de bon cœur, mais je n’allai plus si loin. Le Danube m’attira avec une force irrésistible. J’avais onze ans passés, et je ne