Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/157

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« Mais non, Effendi, je vous dis que vous me donnez trop, et je ne crois pas avoir suffisamment pour vous rendre.

— Eh bien, gardez la pièce, » murmurai-je.

« Ah non !… Cette pièce il me faudrait bien une semaine pour la gagner.

— Ça ne fait rien, gardez…

— Par Allah, non ! » hurla-t-il. « Votre puissant père aurait le droit de me faire couper la tête ! Non, non ! »

Et sortant tout ce qu’il avait dans son kémir, il me versa sur les genoux une quantité de mégdédies, de tschérèks, de bechliks et de météliks, qui me parut énorme ; il me fit des salamalecs, monta sur son cheval et disparut.

Je restai seul, sur la pelouse verdoyante d’une fort propre et fort belle route qui bordait le canal. Mon regard, fixé sur l’eau calme, buvait avidement des images fantaisistes de contes orientaux : les ombres des palais et des conifères que le soleil couchant projetait et allongeait à vue d’œil dans le miroir assombri du Bosphore, — ainsi que, plus loin, toute une gamme de couleurs vives, taches d’or, taches de cuivre, rouge comme le feu, se perdant, tout au fond, contre les collines aux crêtes mauves renversées dans la mer.