Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/159

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douleur d’une tendre adolescence livrée à l’impitoyable vie. Et cet or qui alourdissait ma culotte, ni ces bagues précieuses qui paraient tous mes doigts, ni cette montre princière ne surent me donner un conseil, une consolation. Leur valeur fut à jamais compromise à mes yeux. J’aurais tout offert, jusqu’à ma chemise, à l’homme qui m’aurait mis en présence, non pas de Kyra, non pas de ma mère, mais seulement d’une mèche de leurs cheveux ; elle m’aurait rendu plus fort que tout ce métal maudit. Elle m’aurait fait plus de bien au cœur que toutes ces pierres inestimables.

Sur chaque arbre de la route obscure j’allai appuyer mon front brûlant, mouiller de mes larmes leur écorce rugueuse. Chaque tronc fut enlacé dans mes bras. À leur sincère indifférence j’ai répété sans cesse :

« Maman !… Maman !… Kyra !… Maman !… Où êtes-vous ? Je suis libre, moi… Et je ne sais pas où aller… Et il fait nuit… Et il y a beaucoup de monde, ici, trop de monde… Mais il n’y a pas de Kyra, pas de maman ! »

Soudain, à un tournant, une forte lumière frappa ma vue… Deux « ouvreurs de chemin », jambes nues et torches flambantes aux mains, passèrent rapidement en criant tous deux d’une seule voix :