Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/173

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qu’elles me donnaient sur la physionomie des cadânas aperçues, mon cœur bondissait dans une danse mortelle. Je gobais leurs paroles avec une naïveté d’enfant de six ans, et nombreuses furent ces maquerelles au cou desquelles je sautai en criant :

« Ce doit être ça !… C’est tout à fait ça ma sœur !… Tâchez de l’approcher et prononcez mon nom : Dragomir. Et faites tout le possible pour obtenir une photographie. »

Mais pour parler aux cadânas et pour obtenir une photographie, il fallait de l’argent, — pour fermer les yeux curieux, boucher les oreilles indiscrètes, ouvrir les portes bien gardées, beaucoup d’argent.

Au milieu de la chambre, les mains dans les poches, les yeux fouilleurs et ironiques, le bey écoutait et souriait. Je tombais à ses pieds, j’implorais. Et généreusement, il distribuait des pièces d’or et des pièces d’argent, selon l’importance.

Et, de nouveau, de longues journées d’attente, de tristes heures vides de tout sentiment vital ; mon désespoir ne trouvait d’autre refuge que l’âme vivante de ma « Kyralina ». Avec elle, souvent accroché à son cou soyeux, je me livrais, — sur des routes interminables, par des matinées radieuses, ou des crépuscules en effervescence,