Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/179

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Pays turc comme pays bulgare, le musulman comme le chrétien, tous, du riche au pauvre, n’étaient que des esclaves dociles ; et si la jeune fille s’éclipsait à notre arrivée, son père, pour entrer dans les grâces du puissant, ne demandait pas mieux que de la sacrifier, avec la même facilité qu’il nous offrait son meilleur lit et son plus beau mouton.

Ce spectacle me fit désirer avec bien plus de force ma liberté. Je me sentis coupable de la vie opulente que je menais ; dans mon jeune cœur naquit le besoin de me créer un métier indépendant qui me permît de gagner honnêtement mon pain. Dès lors, rien ne m’intéressa, sauf l’occasion de m’échapper. Mais cette occasion ne se présentait pas, et le soir me trouvait aussi désolé que la veille.

La surveillance était des plus sévères. Le jour, dans les longues et fatigantes courses de la chasse, j’étais sans cesse flanqué du bey, ou encadré des deux domestiques ; la nuit je dormais dans la chambre de mon triste protecteur, sans espoir de me sauver. Ainsi, le premier de mes trois moyens de salut s’évanouit. Le second, qui était d’acheter ma liberté, avorta à son tour.

Un jour de pluie torrentielle, pendant