Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/196

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duper. J’avais seize ans et une expérience à moi. Cette expérience partageait toute la société en trois catégories. « D’abord, des êtres doux et aimants comme Kyra et comme maman ; ensuite, des brutes comme mon père ; enfin, d’autres qui sont généreux à la manière de Moustapha-bey. Il faut faire attention. »

Et sur ma terrasse je fis attention de ne pas me trouver trop près de quelques joueurs d’échecs aux allures sympathiques. Je pensais à mon pauvre Loup, qui fut si long à accepter mes caresses, et je fis comme lui, je me garai à tout moment contre les mains qui s’allongeaient pour caresser mes joues d’adolescent.

Hélas ! Je me garai si bien, si bien, que, sans m’en apercevoir, j’allai tomber dans une autre fosse ; car la vie n’entrait pas toute dans mes trois catégories.

J’avais loué une chambre au-dessus même de la belle terrasse du Grand Concert-Variétés, sur la seule place publique de Beyrouth. Le café était rempli, depuis le matin jusqu’au soir, du monde le plus cosmopolite ; mais à part les élégances du pays, que j’évitais, ce qui faisait le charme de cet endroit, c’était la troupe d’artistes engagés aux Variétés. Hommes ou femmes,