Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Je t’ai vu quelque part ; ta figure m’est connue, » dit-il.

— Oui », répondis-je, en rougissant. « Nous avons été dans la même voiture que Moustapha-bey, à Constantinople, il y a cinq ans.

— Par Allah, c’est vrai ! Tu es le garçon qui cherchait sa mère qui avait un œil crevé ! Eh bien, malheureux, tu dois en avoir vu avec ce sacré satyre.

— Beaucoup… Je ne le connaissais pas.

— Mais peut-on se fier, comme ça, au premier inconnu qui se met à caresser les joues d’un enfant ? »

L’officier resta longtemps à nous parler et me dévoila les gros méfaits qui étaient à l’actif de Moustapha-bey. Puis, il s’intéressa à Barba Yani, se passionna pour son savoir ; en nous quittant, il nous serra affectueusement les mains et nous pria d’accepter chacun une livre turque en or :

« Ce n’est pas un pourboire, » dit-il. « C’est pour estimer la sagesse du vieux et la souffrance du jeune ! »

En rentrant à la maison, Barba Yani concluait :

« Vois-tu, Stavro ? Il y a partout des égarés, mais l’intelligence fait tomber les barrières même lorsqu’elle est habillée d’un uniforme militaire ! »