Page:Istrati - Kyra Kyralina.djvu/239

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votre unique et douce lumière !… Cette lumière est ternie dans mon souvenir… La vie n’a pas voulu que ma joie soit complète… Mais, mon Dieu, où et quand la vie nous gratifie-t-elle de joies complètes ?…

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Nous nous établîmes à Ghazir, village pittoresque comme l’est presque tout le Liban, et assis sur un sommet abrité. Nous étions seuls locataires d’une femme âgée et arthritique, qui vivait dans la solitude, Set Amra, arabe chrétienne comme tous les Libanais. Chrétiens, nous fûmes bien reçus, quoique orthodoxes, et, elle, catholique. Et voici encore une histoire ; car mon existence est riche en histoires.

Tout en gagnant ma vie, et Barba Yanï en se promenant avec sa canne, cherchant des grenades et tuant des petits serpents, nous apprîmes que Set Amra, avec laquelle nous avions de longs entretiens en fumant nos narguilés, nous apprîmes, dis-je, qu’elle aussi avait un chagrin. Elle était trop seule, et cette solitude lui rongeait l’âme. Son unique enfant, une jeune fille de vingt ans, était au Vénézuela, où elle avait accompagné son père pour faire fortune, ainsi que c’est l’habitude chez les habitants du Liban. Mais le père était mort, il y avait de cela un an, et depuis sa disparition les