Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Fort bien, dit-elle d’un ton tranquille. Je saurai, cet après-midi, qui je suis, quelle aventure sinistre a fait de moi la sœur d’un homme de cœur qui s’est institué mon défenseur.

— Ne parlons pas de cela, murmura Allan, cela n’est point à prendre en considération.

— Je vous demande pardon, Jud… Cela est à considérer, quoi que vous en pensiez, car je dois vous assurer qu’il m’est indifférent d’être ou de ne pas être ce que je parais, si je suis condamnée à ignorer ce que vous êtes. Comme il esquissait un geste de dénégation, elle reprit avec plus de force :

— Ce que vous êtes au point de vue social, car autrement je sais que vous êtes le meilleur, le plus brave, le plus noble des hommes et des amis.

Elle lui tendait la main. Il ne la prit pas.

Alors, elle vint à lui, et d’une voix tremblante, où perçait néanmoins une indomptable volonté :

— Vous avez tenu à me donner de la « miss », alors que je me considère comme votre obligée, eh bien, le veux savoir qui vous êtes, Jud Allan, car seule je sais qui vous fûtes, et seule je dois juger entre vos scrupules et mon cœur.

Il secouait la tête, son émotion l’empêchant de proférer un son. Elle eut un triste sourire.

— Alors, je resterai ignorante, et de vous, et de moi.

— Que voulez-vous dire ?

— Que je ne me rendrai pas au Sénat

— Je vous supplie, miss.

— Inutile. J’obéirai si vous obéissez, je vous l’affirme sur mon honneur, sur l’honneur de celle qui fut votre sœur Lilian !

Il n’y avait pas à s’y méprendre. La décision de la jeune fille était irrévocable. Jud le comprit. Il courba la tête, et tristement :

— La noble Lilian veut, en connaissance de cause, mépriser Jud Allan. Qu’il soit fait selon son désir. Périsse Allan pour que l’œuvre de sa vie s’accomplisse ! Miss, aujourd’hui même vous saurez l’histoire de Jud.

— Pourquoi pas de suite ?

— Le récit est long et les heures à notre disposition brèves. Après la séance du Sénat, descendez dans les jardins du Capitole, je vous y rejoindrai et vous remettrai ce que vous souhaitez.

— Vous le promettez sincèrement, Jud Allan ?