Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/22

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— À Paris, oui.

— Tu dois y retourner.

— Non, interrompit le jeune homme avec force… Sous peu de jours, je compte me rendre à Cadix, et là, m’embarquer pour l’Amérique.

De nouveau, la vieille femme fit entendre son rire grelottant.

— Je ne t’interroge pas, prononça-t-elle après cette manifestation railleuse, je ne me soucie pas de tes projets, je t’enseigne ce qui sera. Tu iras en Amérique, oui, mais en passant par Paris, non par Cadix. Et c’est fort heureux, car c’est là que les lignes de rencontre indiquent que tu te trouveras en présence de la personne chère à ton esprit.

Puis, arrêtant net toute nouvelle question :

— Retourne à ta demeure. Prends ton repas, en ayant soin de placer l’image sur la table, à ta gauche.

— Pourquoi ?

— Obéis sans explications, répliqua rudement la gitane. Le mystère est désormais en toi.

Son organe s’adoucit pour achever :

— Va-t-en. Le destin satisfait, tu me reverras.

Elle se tenait droite, le bras étendu vers l’étroite sente que Pierre avait suivie pour arriver à la passe de Castille. Il balbutia :

— Adieu.

Et se mit en marche.

La vieille le regardait. Elle attendait qu’il eût disparu, que le bruit de ses pas sur le sol se fût éteint par degrés. Alors, toute sa face grimaça sous la contraction d’un rire muet mais formidable.

D’un geste sec, elle secoua la manche de toile bise qui couvrait son bras droit.

Un objet s’en échappa, roula à ses pieds avec un bruit métallique.

C’était un ovale de nickel poli, identique à celui que Chazelet emportait avec lui.

Ramrah le ramassa vite, et le pétrissant dans ses mains :

— Stupides, s’écria-t-elle, stupides ces hommes au visage pâle. Celui-ci s’en va, convaincu par un simple tour d’escamotage… Et l’autre, l’autre qui pense que je le sers, alors que je fournis au vengeur l’arme dont il a besoin…

Mais elle se calma presque aussitôt.

— Ma tâche n’est pas achevée… L’automobile m’at-