Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/229

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elle s’élève contre Frey Jemkins. Qui donc ajoutera foi à ses récits ?

Qui consentira à croire que le directeur du gigantesque bazar All Frisco’s Hall, l’une des importantes maisons de la grande cité américaine, que le juge au tribunal de commerce, que le candidat aux élections sénatoriales n’est qu’un vulgaire chef de bandits ?

On répondra que Frey Jemkins fut le chef de la police à cheval, qui traqua et fit disparaître les mauvais garçons de la prairie, qu’ainsi il délivra Pariset, prisonnier des malandrins, d’où l’amitié des deux hommes et le mariage de l’hacendero mexicain avec miss Lily Jemkins.

Le moyen d’admettre que ce brave Jemkins eût assassiné son cousin, alors que, en ce moment même, la population chantait les louanges de l’excellent parent, recueillant chez lui sa cousine démente, incapable de comprendre ses bontés, restant inerte et stupide de son dramatique veuvage.

Et puis, le riche directeur du All Frisco’s Hall ne promettait-il pas des sommes énormes aux agents libres, ou détectives assermentés, qui retrouveraient la trace de la petite Lilian, dont la disparition demeurait un mystère ?

Bien plus, à la suite d’une rapide enquête menée dans le pays du crime, est-ce que Jemkins n’avait pas relevé la présence d’un jeune vaurien, du nom de Jud, récemment évadé de la prison d’Alb-Point.

Ce jeune drôle était-il mêlé à la tragédie… ? On ne le savait. Mais comme l’avait dit le négociant :

— Quand un louvard (jeune loup) est signalé dans un district, il est bon de s’inquiéter de son repaire.

Et il avait promis une prime supplémentaire à quiconque arrêterait le jeune garçon.

Ses mesures étaient bien prises. À la moindre tentative de lutte, Jud serait reconnu, et il avait assez mauvaise opinion de la justice des hommes pour être certain qu’on l’emprisonnerait, avant toute explication. La douloureuse vérité de la lutte du pot de terre contre le pot de fer, s’implanta en son esprit.

Sans avoir encore appris le latin, Jud se rencontra avec les sages de la Rome antique.

Primum vivere, disaient ces doctes philosophes.

« Il faut vivre d’abord », se dit le gamin…

Or, pour vivre, pour échapper à la nuée de policiers que la générosité de Frey Jemkins avait mis en mouvement, il importait de se blottir dans une retraite impénétrable.