Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/244

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qui, avec une présentation romanesque, le devait faire bien venir de ma gentille Linérès. Ensuite, parce qu’il a dilapidé son bien, et que l’opinion publique a une tendance générale à supposer capables de toutes les turpitudes pour reconquérir une situation, ceux qui, ayant été riches, sont tombés dans la misère. Enfin et surtout, parce que ce joli marquis est un modèle de naïve chevalerie.

— Qu’est-ce que la chevalerie vient faire là dedans ? grommelèrent les assistants.

— Elle nous assure un bouc émissaire, vieux garçons.

— Comment cela ?

— Voici… M. de Chazelet, sans le sou, est gêné par sa chevalerie pour accepter la main de ma richissime petite cousine !

— L’idiot, lança Van Reek.

— Or, fit Jemkins sans tenir compte de l’interruption, grâce à ce sentiment, que je qualifierai de louable, au moins pour nous, j’ai obtenu de ce jeune homme un certain nombre de signatures en blanc, sur des feuilles officielles qui seront remplies par mes soins. Ce qui doit y figurer dans l’esprit de ce délicat fiancé, c’est la renonciation aux avantages financiers résultant pour lui de son mariage. Ce qui y figurera en réalité, ce seront les formules de la transaction avec la Société japonaise propriétaire du bail de Agua Frida.

— Ah ! s’écria Kan-So, ceci est génial. Le mari de miss Linérès, ou Lilian Pariset, traite avec le Japon. Il en a toute la responsabilité ; il est vilipendé, condamné au supplice des traîtres s’il est pris…

— Et nous, acheva Jemkins, blancs comme neige quoiqu’abondamment dorés, nous vivons plantureusement parmi la considération universelle, plaints par les honnêtes gens d’être apparentés de loin avec un si profond scélérat.

Frey ne put continuer. Cette fois, l’enthousiasme rompait les digues, ses compagnons l’acclamaient, trépignaient d’admiration.

— Eh bien, garçons, il existe quelqu’un qui veut ruiner ce plan si soigneusement conçu !

Et comme tous le considéraient avec stupeur, immobiles, pétrifiés par l’angoisse de la cupidité déçue, il prononça négligemment :

— Pour que je puisse utiliser les signatures de Chazelet, il faut non seulement qu’il ait épousé ma petite cousine, mais encore que celle-ci ait été recon-