Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/267

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Jud Allan avait établi son domicile momentané dans ledit hôtel.

Tout comme le marquis de Chazelet, il avait passé une nuit détestable. Mais, dès cinq heures du matin, il sortit, en vertu de ce raisonnement que l’air frais et la marche apaiseraient ses nerfs surexcités.

Maintenant il allait au hasard, sans s’inquiéter où le portaient ses pas.

Les choses extérieures lui importaient peu, occupé qu’il était à regarder en lui-même.

Qu’y voyait-il ? La douleur de l’enfant trouvé, sans nom, sans famille. Il se revoyait chevalier vagabond, petit Jud, puis fugitif, puis Jud Allan ayant conquis tout ce qu’un malheureux peut conquérir par le travail : une position honorable, certes, mais modeste. Professeur à West-Point !

Comme cela était peu en regard de la situation de celle à qui, malgré lui, il avait donné son cœur ! Lilian, mais c’était une princesse des Mille et une Nuits dotée des trésors d’Aladin.

Et l’éblouissement de cette richesse le rapetissait, le faisait apparaître à ses propres yeux comme plus humble, comme plus loin d’elle.

Oui, oui, il avait accompli son devoir, en écartant d’un aveu brutal une rêverie de jeune fille qui commençait à se fixer sur lui. Il se fût méprisé, s’il avait agi autrement.

Rêvant ainsi, monologuant sans s’apercevoir qu’il chuchote, qu’il esquisse de grands gestes dont les rares passants s’étonnent, il marche toujours.

Il a remonté l’avenue Pensylvania, s’est jeté dans la rue de la Bibliothèque du Congrès. Il traverse les jardins du Capitole, passe en détournant la tête auprès de la palmeraie, où, après la séance du Sénat, Lilian et Grace l’ont attendu. Sa marche s’accélère. On croirait qu’il se sauve, et de fait, Jud est un fugitif que poursuit le souvenir.

Oh ! le souvenir de ce qui a été, de ce qui ne sera plus.

Lilian maintenant a lu le manuscrit qu’il lui a confié. Elle sait le pauvre être qu’il est. Elle sait que son nom même peut lui être contesté !

    oublient que si, en France par exemple, l’unité monétaire est le franc, aux États-Unis, l’unité est le dollar (cinq francs). De la sorte un homme gagnant là-bas vingt dollars (cent francs) a seulement un gain équivalent à celui du Français qui gagne vingt francs.