Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/409

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Et Linérès tremble de causer la fin de Chazelet.

— Pour l’heure, prononce Jemkins, il convient de songer à la promenade emblématique, sans laquelle un Sonorien (indigène de la Sonora) ne croirait pas assister à un mariage valable. Aussi, ma charmante cousine, je vous prierai de passer dans la pièce voisine, où vos servantes d’honneur (demoiselles d’honneur) vont cacher votre adorable visage sous le rebos des fiancées.

Avec la passivité dédaigneuse de l’esclave obéissant à une tyrannique autorité, Linérès se dirigea vers la porte indiquée et sortit. Jemkins ricana :

— J’aime cette soumission muette. Ah ! marquis, quelle femme charmante vous aurez là !

Certes, les invités joyeux qui, dans les jardins, acclamaient les fiancés, eussent été bien surpris de voir le front pâle, l’attitude douloureuse du jeune homme.

Un serviteur parut, annonçant :

— Les señoras Lily Pariset et Rouge-Fleur viennent d’arriver. Elles attendent dans le salon.

Jemkins congédia le domestique, et, se dirigeant vers la porte :

— Je reviendrai vous prendre, mon cher marquis… Car je tiens à faire acte de bon parent jusqu’au bout, et je veux offrir à ma gracieuse cousine mon cadeau de fiançailles.

Sur ce, il franchit le seuil et disparut.

Au salon, il retrouva Rouge-Fleur et Mme  Pariset.

Les deux femmes se tenaient immobiles, silencieuses. Qu’avaient-elles fait de Lilian, en compagnie de qui elles étaient sorties de la Casa Azurea ?

Rien ne l’indiquait dans leur attitude. Pourtant, lorsque Frey se montra, elles échangèrent un regard, semblant indiquer un accord tacite.

— Eh bien ? interrogea le chef, les yeux sur la veuve.

— Il sera fait ainsi que vous l’avez décidé. Je reconnaîtrai pour ma fille celle qui aura signé au contrat.

Dans la voix de la pauvre femme vibrait une insaisissable ironie.

Le terrible dilemme posé par la volonté de Jemkins : condamner Linérès à périr, ou bien accepter le déshonneur de la complicité du bandit !… Le dilemme n’existait plus.

Le marquis avait consenti la perte de l’honneur, pour le salut de sa fiancée.