L’Indien s’était levé. Il marchait vers la table où le notaire, tremblant, le regardait approcher avec une mine si hétéroclite, qu’en un autre moment personne n’eût pu s’empêcher d’en rire.
— C’est le sommeil que nous donnons, nous, les sorciers. Mais El Dieblo commande à toutes les volontés. S’il te plaît, maître Jemkins, j’interrogerai cette squaw.
Cependant, le pseudo-sorcier s’était penché sur Grace Paterson, emprisonnant le crâne de la jeune fille dans ses deux mains. Ses lèvres étaient à hauteur de l’oreille de la mutine ex-élève du pensionnat Deffling.
Et tout bas, dans un murmure à peine distinct, il prononça :
— Vous vous souvenez bien de toutes vos répliques ?
— De toutes, fit-elle sur le même ton, soyez tranquille. Pour sauver Lilian…
— Soyez bénie, courageuse enfant… Alors, je commence.
— Mais oui… Sans cela, je rirais… Jemkins a une tête si comique.
Dans cette situation tragique, cette petite Grace avait peur de rire ! El Dieblo s’était redressé. Du regard, il fixait le milliardaire.
— La volonté adverse est vaincue, maître. Que veux-tu savoir ?
— Ce qu’elle fait là ?
L’Indien fit peser son rayon visuel sur miss Paterson.
— Tu as entendu, jeune fille ? Que fais-tu là ?
D’une voix monotone, elle exprima :
— Je ne sais pas. Celui qui m’a envoyée n’avait pas à se confier à sa servante.
Il y eut un frémissement dans la salle.
— Qui est celui-là ? crièrent les bandits.
Et, sous les mains de l’Indien pointées vers son front, Grace répliqua du même accent morne, indifférent, monotone :
— Jud Allan !
Un hurlement accueillit ce nom. Frey, les poings tendus en avant, terrible de menace et de haine, rugit :
— Tu mens. Jud Allan est mort.
— Non pas… Il vit… Sa main est sur toi, assassin de Pariset… Sa main, qui a sauvé Lilian, qui la remettra en possession de l’héritage que tu veux lui ravir.