Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/71

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mystère qui depuis quelques semaines s’imposait aux préoccupations parisiennes, se dressait soudain au milieu de cette fête mondaine.

Ah ! maintenant, personne n’était plus tenté de reprocher aux dames de Armencita de s’être rendues à la légation.

La question même de la comtesse émouvait. Comme elle avait dû souffrir pour clamer ainsi sa peine devant tous !

Et puis, si par hasard la liseuse de pensées déchiffrait le problème… quelle satisfaction d’être renseignés avant le reste du monde ! Quel triomphe de pouvoir dire aux amis absents :

— J’étais là. J’ai vu. J’ai entendu.

La valeur des oisifs, ne l’oublions pas, est uniquement d’avoir été vus, ici ou là. N’étant rien, ni comme travail, ni comme talent, ils se montrent là où ces vertus, à eux défendues, s’expriment. Cela suffit à leur gloriole. Leur excuse vient de ce qu’ils sont toujours disposés à la payer cher. Semant l’argent, ils remplissent inconsciemment leur devoir social. Ils sont utiles à l’ensemble de la nation, tout en restant individuellement inutiles.

Mais les réflexions s’interrompirent net. Von Foorberg demandait à l’Indienne :

— Marahi a entendu. Peut-elle ce que l’on réclame de son pouvoir ?

La voyante haussa les épaules d’un air de doute, puis lentement, elle s’approcha de la comtesse et appliqua la main sur son front.

Mme de Armencita esquissa un mouvement de recul, mais la singulière créature ordonna d’un ton sec :

— SI tu veux savoir, reste.

La voix sonna, autoritaire, tel un appel de clairon.

Tous avaient tressailli. Ils regardaient le groupe formé par les deux femmes si différentes de race, de condition, surpris de constater que la Peau-Rouge semblait dominer la grande dame. Peut-être quelques-uns, à cette heure, avaient-ils la vague intuition que la noblesse ne tient pas à une particule.

Mais la stupeur fut à son comble quand Marahi murmura d’un ton pensif :

— Ton esprit ne sait rien, femme… Le mystère doit venir de la jeune fille que tu as recueillie tout enfant, que tu as adoptée ensuite.

Un cri vibra :