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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/175

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Rien ne permet de me soupçonner. Rien ! Les automobiles sont ramenées à présent au garage qui les a louées à Brighton. Quel rapport établirait-on entre les aimables touristes qui ont fait la location pour visiter rapidement la région, qui ont déposé sans sourciller les arrhes exigées par le loueur pour confier ses machines à des inconnus refusant le concours de mécaniciens professionnels. Aucun, évidemment, aucun. Encore moins est-il possible de soupçonner ce charmant yacht de plaisance, si coquet, si rapide, voguant en pleine mer, bien loin du théâtre de la catastrophe. Et cependant je détiens mes otages. J’ai le bouclier contre tous les coups. Décidément, Von Karch, tu es un habile gaillard, et tu peux dormir sur tes deux oreilles.

Sa conscience et sa fatigue étant d’accord, personne ne s’étonnera de ce que l’Allemand eût goûté huit heures du plus calme sommeil.

Tout en procédant à ses ablutions, il se porta vers le hublot, fit tourner sur sa charnière la vitre ronde qui l’obturait.

L’air salin de la mer se précipita par l’ouverture, emplissant la cabine de ses effluves vivifiants. Mais le personnage ne cherchait pas les joies de la respiration. Ses regards se portaient au loin.

— Plus de terre en vue, fit-il avec satisfaction. Nous devons être en plein milieu de la mer du Nord. Passez muscade. Eh ! Eh ! Miss Veuve, cherchez ma piste sur les flots mouvants.

Il riait encore en passant son veston. Mais comme il allait sortir, on frappa à la porte.

— C’est moi, père, votre Marga !

Il ouvrit. Dans l’encadrement, la blonde Allemande parut. Tout son être manifestait le mécontentement, et ses sourcils froncés, ses narines frémissantes, décelaient tout autre chose que la bonne humeur. Ces apparences ne troublèrent pas l’espion.

— Vous avez eu une idée excellente de venir, ma jolie Marga.

Elle l’interrompit sèchement :

— J’ai à vous parler. Nous avons accompagné M. Tiral et Liesel à Hambourg. Nous avons assisté à leur embarquement sur un paquebot de la Norddeutscher Lloyd, à destination des États-Unis.

— Très vrai, ma chère.

— Après quoi, vous m’avez proposé un voyage d’agrément sur ce yacht Fraulein qui se trouvait précisément dans le port de Hambourg.

— De plus en plus exact.